
Qui l’eût cru ? Voilà que notre philosophe préféré se montre poète de la gaieté ! À travers Ce qu’il faut pour être heureux, petite recette du bonheur, on retrouve sa verve inventive… Et un brin moralisatrice. Parce que Voltaire ne serait pas Voltaire sans donner quelques conseils bien sentis : “Il faut penser ; sans quoi l’homme devient, malgré son âme, un vrai cheval de somme.”
À en croire l’écrivain, il ne suffit donc pas d’avoir une âme pour être humain. Encore faut-il la rendre vivante. Comment ? En ayant du cœur, de l’esprit, de l’énergie. En faisant fonctionner son intelligence aussi.
De Voltaire, on reconnaît là la morale libéraliste : une éthique selon laquelle l’homme doit prendre en main sa destinée, améliorer sa condition, embellir sa vie par la science, l’industrie, les arts. Sauf que dans ce poème, il ne parle ni de compétences ni de travail, mais d’amitié… Et d’amour. Pour une fois, l’affect prend le pas sur les concepts philosophiques.
Il faut penser ; sans quoi l’homme devient,
Malgré son âme, un vrai cheval de somme.
Il faut aimer ; c’est ce qui nous soutient ;
Sans rien aimer, il est triste d’être homme.
Il faut avoir douce société,
Des gens savants, instruits, sans suffisance,
Et de plaisirs grande variété ;
Sans quoi les jours sont plus longs qu’on ne pense.
Il faut avoir un ami, qu’en tout temps,
Pour son bonheur, on écoute, on consulte,
Qui puisse rendre à notre âme en tumulte
Les maux moins vifs et les plaisirs plus grands.
Il faut le soir, un souper délectable,
Où l’on soit libre, où l’on goûte à propos,
Les mets exquis, les bons vins, les bons mots
Et, sans être ivre, il faut sortir de table.
Il faut, la nuit, tenir entre deux draps,
Le tendre objet que notre cœur adore,
Le caresser, s’endormir dans ses bras,
Et, le matin, recommencer encore.
Mes chers amis, avouez que voilà
De quoi passer une assez douce vie :
Or, dès l’instant que j’aimai ma Sylvie,
Sans trop chercher j’ai trouvé tout cela.
Voltaire
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