
Un matin comme tous les autres, je quitte la maison, le jingle de Boomerang dans les oreilles. J’adore cette émission ! Non seulement parce qu’elle invite des artistes, philosophes, navigateurs, sportifs, chefs étoilés et scientifiques du monde entier, mais aussi pour la poésie que le présentateur apporte à ses éditos. Et ce jour-là, Augustin Trapenard m’offre un beau cadeau : ouvrir son programme avec Rythme des vagues de François Coppée. Tout d’un coup, oublié le métro ! Fini la foule oppressante, l’inconfort, la chaleur… Au revoir Paris, bonjour vent, vagues, falaises et ciel d’azur ! Pendant quelques instants, je retrouve mon grand-père et nos balades en jonque. Vrai bonheur que ce moment !
Surnommé le “Poète des Humbles”, moqué par Verlaine et Rimbaud, Coppée rencontre de son vivant un immense succès populaire. Amoureux du monde sous toutes ses formes, il s’en fait le troubadour, dépeignant dans ses textes intimistes la populace des faubourgs parisiens, le souvenir d’une première rencontre, la nostalgie des temps anciens ou la beauté d’un crépuscule… Si bien qu’il se détourne rapidement du Parnasse pour une poésie au langage plus courant.
D’aucuns jugent ses œuvres monotones, voir insipides. Moi, je trouve dans ce Rythme des vagues une chose rarissime : l’âme de la mer. Beaucoup d’auteurs décrivent l’énergie qui anime les éléments, mais très peu parviennent à injecter aux mots ce petit plus… Ce supplément grâce auquel le lecteur prend totalement conscience de la vie cachée au fond des flammes, des vagues ou même des pierres !
En entendant ce poème, j’ai voyagé. En le lisant, j’ai vu l’océan comme une personne à part entière.
J’étais assis devant la mer sur le galet.
Sous un ciel clair, les flots d’un azur violet,
Après s’être gonflés en accourant du large,
Comme un homme accablé d’un fardeau s’en décharge,
Se brisaient devant moi, rythmés et successifs.
J’observais ces paquets de mer lourds et massifs
Qui marquaient d’un hourra leurs chutes régulières
Et puis se retiraient en râlant sur les pierres.
Et ce bruit m’enivrait ; et, pour écouter mieux,
Je me voilai la face et je fermai les yeux.
Alors, en entendant les lames sur la grève
Bouillonner et courir, et toujours, et sans trêve
S’écrouler en faisant ce fracas cadencé,
Moi, l’humble observateur du rythme, j’ai pensé
Qu’il doit être en effet une chose sacrée,
Puisque Celui qui sait, qui commande et qui crée,
N’a tiré du néant ces moyens musicaux,
Ces falaises aux rocs creusés pour les échos,
Ces sonores cailloux, ces stridents coquillages
Incessamment heurtés et roulés sur les plages
Par la vague, pendant tant de milliers d’hivers,
Que pour que l’Océan nous récitât des vers.
François Coppée
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