
Ah Mallarmé… Quel auteur nébuleux… Le spécialiste des énigmes ! N’a-t-il pas affirmé “Un poème est un mystère dont le lecteur doit chercher la clef” ? Et bien aujourd’hui, je te propose un petit jeu : sauras-tu comprendre d’emblée le texte ci-dessous ? Si oui, je te tire mon chapeau ! Pourquoi ? Parce que cet écrivain a littéralement fait de la suggestion une nouvelle langue.
Extrait du recueil posthume Poésies (1899), Au seul souci de voyager évoque les grands aventuriers, ceux qui partent pour partir, sans autre motivation que de poursuivre l’avenir. Associé à “Un oiseau d’annonce nouvelle”, “Nuit, désespoir et pierrerie” souligne ici l’ambiguïté entre espoir et angoisse dans cette dangereuse expédition ; tout comme Mallarmé oscille de l’espérance à l’abattement lorsque il traverse sa crise existentielle. Suivant l’exemple des conquistadors, le poète est à ses yeux un baroudeur ayant le devoir d’explorer une contrée alors jugée trop ignorée : le langage.
Au seul souci de voyager
Outre une Inde splendide et trouble
– Ce salut soit le messager
Du temps, cap que ta poupe double
Comme sur quelque vergue bas
Plongeante avec la caravelle
Écumait toujours en ébats
Un oiseau d’annonce nouvelle
Qui criait monotonement
Sans que la barre ne varie
Un inutile gisement
Nuit, désespoir et pierrerie
Par son chant reflété jusqu’au
Sourire du pâle Vasco.
Stéphane Mallarmé
Crédit image : Christian Schloe
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