“Les tableaux sont comme les chats : ils ont plusieurs vies…”  Tout en façonnant les origines d’une œuvre majeure, ce Testament Médicis interroge notre rapport à l’art. Au fil de l’histoire, les hypothèses fusent et le mystère ne cesse de s’épaissir. Un régal !

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Au Louvre, en compagnie d’une Joconde qu’il a veillée toute sa carrière, un gardien vieillissant vit dans son uniforme ses derniers instants. Souhaitant commémorer cette ultime nuit, le futur retraité appelle Laurent, son fils, pour partager son quotidien et renouer les fils d’une relation abîmée. D’abord réticent, le jeune homme se retrouve précipité au cœur du mystère Mona Lisa, embarqué par le bagou de son père qui, retraçant le parcours mouvementé du chef-d’œuvre, convoque tour à tour François Ier, Léonard de Vinci, le voleur Vincenzo Peruggia… Et notre belle Italienne. 

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Sous la plume de Stéphane Landowski, les fantômes ne cessent d’apparaître et de disparaître, jusqu’à tisser une enquête poétique aux soupçons philosophiques. Portée par l’ingénieuse mise en scène de Raphaëlle Cambray, la pièce entremêle les fausses pistes et les vrais épisodes d’une grande histoire, celle d’un tableau qui, malgré sa notoriété, garde une immense part d’obscurité.

ENTRE CONTE ET RÉALITÉ

C’est là tout le sel du Testament Médicis : inviter le public à dresser la “généalogie obscure” d’une œuvre capitale, dont le succès n’a d’égale que l’énigme qu’elle soulève. Des faits avérés aux hypothèses les plus folles, ce gardien pas comme les autres ouvre son garçon aux secrets qu’enferme la Joconde. Quel lien peut-il par exemple exister entre Julien de Médicis, un veilleur de nuit, et le portrait le plus célèbre du monde ? 
Progressivement, l’intrigue se forme… Elle nous enlève d’une époque à l’autre, d’hier à aujourd’hui… Façon d’épopée romanesque qui ouvre les portes d’un imaginaire bousculé par l’Histoire. 

Avec délice, Stéphane Landowski lance les conjectures, provoque la controverse, joue de nos certitudes en exploitant les indices connus… Et plonge nos esprits dans des affres interprétatifs. Un pur bonheur !

L’ART DE LA MÉMOIRE

Le Testament Médicis se fait également fable, soulevant des questions primordiales concernant l’art : quel dialogue établir avec une œuvre ? Qu’est-ce que respecter ou aimer une œuvre d’art ? Les réponses s’esquissent au fil du récit, posant une réflexion sur le rôle, la place de l’art dans nos vies.
La pièce nous rappelle que la valeur d’un chef-d’œuvre ne réside pas dans sa renommée, mais dans sa capacité à toucher notre humanité : “Aimer une œuvre d’art, ce n’est pas la posséder, ni même en tirer de la fierté. C’est essayer de comprendre pourquoi elle nous rend plus humain” affirme le gardien.  

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Plus qu’une toile exposée, Mona Lisa se révèle alors une femme un brin féministe, soucieuse d’exprimer sa version des faits : “On croit que les tableaux sont immobiles et silencieux, mais c’est faux ! (…) Les femmes accrochées aux murs ne sont pas plus respectées que celles qui marchent sur le trottoir… On les siffle, on les mate.”
À sa manière, la Joconde nous ramène à une force plus troublante encore : la transmission, l’héritage, le poids du passé sur le présent, la dureté des choix, quels qu’ils soient. Car au-delà de la beauté, que serait l’art sans le souvenir, l’histoire derrière la création ?  

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Cette quête à travers les siècles nous montre combien, par la mémoire unique qu’elle transporte, une œuvre peut nous rendre plus sensible, bienveillant, altruiste et tolérant.
Quant à Mona Lisa, j’aime penser que son aura si singulière, son immortalité, vienne de cette prière qu’un amoureux transi fit, une nuit, à Léonard de Vinci : “Donnez-lui un sourire. Et à ce sourire, suspendez-y quelque chose qui ressemble à l’éternité.”   

Mission accomplie !

^{Le Testament Médicis
Théâtre Lepic
Mise en scène de Raphaëlle Cambray
Du 23 septembre 2023 au 7 janvier 2024
Horaire : Samedi à 19h, dimanche à 15h
Tarifs : de 12€ à 38€}