LE COMTE DE MONTE-CRISTO : ÉTAT CIVIL

Parmi nos grands classiques, il en est un dont le thème a défrayé la chronique. Son nom ? Le comte de Monte-Cristo.

Écrit par Alexandre Dumas, paru sous forme de feuilleton entre 1844 et 1846,  le roman s’impose dans le monde entier. Amour, complot, trahison… Oscillant entre thriller et récit d’aventure, l’intrigue soulève les foules ! Aujourd’hui encore, on ne compte plus ses adaptations, tant au cinéma qu’à la télévision. 

D’où vient ce phénomène ? Dumas a-t-il fait œuvre de plagiat ? Quelle est la part entre fiction et réalité ?

Voici les origines du comte de Monte-Cristo !


Nous connaissons tous l’histoire :  Edmond Dantès, jeune marin du sud, est arrêté le soir de ses fiançailles. Injustement accusé d’espionnage, il se retrouve emprisonné au château d’If, un rocher situé en pleine mer Méditerranée. Quatorze ans plus tard, après une évasion improbable et la découverte d’un immense trésor, il prend le titre de comte de Monte-Cristo. Disposant à présent d’une fortune colossale, Dantès monte à Paris, où il compte bien accomplir sa vengeance.

À l’époque, malgré le succès immédiat, des doutes émergent sur la provenance de la saga. Son créateur l’a-t-il réellement imaginée ? S’agit-il d’une copie ? Qui a inspiré cette trame machiavélique

Revenir aux sources

Dumas se défend : pour son roman, il a repris un fait divers relaté dans les archives de la préfecture de police parisienne. Une affaire dont il emprunte clairement le même arc narratif. La veille de son mariage, un certain François Picaud, cordonnier nîmois, se voit trahi par des amis jaloux. Condamné à tort, il rencontre en prison un abbé qui, lors de son décès, lui lègue ses richesses. Relâché au bout de sept ans, Picaud passe le reste de sa vie à mener une vendetta aussi sanglante que macabre. Il finit d’ailleurs par mourir de la main de ses ennemis. 

Voilà donc celui dont le père des Trois Mousquetaires prend la destinée… Matière qu’il se réapproprie, développe et complète de nombreux détails, avérés ou transformés. Un puzzle de vérités disséminées, métamorphosées. Le mentor même du héros, l’abbé Faria, n’a rien d’une chimère. Prêtre, philosophe et magnétiseur, né à Goa vers 1755, Joseph Custoldi de Faria a connu Châteaubriand et le célèbre neurologue Gilles de la Tourette. Mazette ! Adepte de Babeuf, il est, après la Révolution, arrêté par la police impériale. C’est là que notre ecclésiastique passe quelques mois au château d’If. Libéré, il devient docteur – pionnier de l’hypnose – puis aumônier dans un pensionnat où il termine ses jours.
Madame de Villefort, pour sa part, est un dérivé de Madame Lafarge, une femme mariée en 1839 à un maître forgeron qu’elle déteste. Lorsque son mari meurt, la société l’accuse de l’avoir empoisonné. Elle aurait servi de modèle à Balzac aussi… Rien que ça ! 

L’inspiration en poupées russes

Pourtant, attention aux conclusions hâtives ! Contre toute attente, François Picaud n’est qu’une esbroufe, pâle copie d’un autre. Le personnage a été inventé par Étienne-Léon Lamothe-Langon, un auteur de mystifications historiques. Reprenant à sa façon les annales de la police, ce faussaire romance un dossier compilé par l’archiviste Jacques Peuchet. Il en tire un drame, Le Diamant et la Vengeance, avec Picaud dans le rôle-titre. 

Menant leur enquête, des généalogistes mettent finalement la main sur l’acte de naissance d’un homme ayant probablement inspiré François Picaud : Gaspard-Antoine Pastorel, né le 9 octobre 1784 à Marseille. Soldat dans la Grande Armée, il est appréhendé pour désertion. Sa condamnation ? Trois ans d’incarcération au fin fond du Piémont, là même où Picaud aurait été détenu. Champion de l’évasion, Pastorel se fait vite la malle. S’ensuit une existence rythmée par le vol, délit qu’il commet en se cachant derrière divers avatars.

Personne ne sait comment Lamothe-Langon a entendu parler du criminel marseillais, mais des liens troublants existent entre lui et le cordonnier nîmois : Picaud est originaire d’une ville où Pastorel a été jugé. Les deux sont capables de changer constamment d’identité. François est également chausseur, comme l’une des victimes de Gaspard-Antoine… Bref, les points communs s’accumulent. 

Une fiction cousue de faits coloriés

Monte-CristoMythe ou biographie ? La question persiste… Le fait est qu’un brigand rocambolesque servit de base à un premier récit – Le Diamant et la Vengeance – lequel souffla lui-même l’incroyable épopée d’Edmond Dantès. L’un et l’autre se constituent d’éléments épars, pris dans différents contextes, mais authentiques. Ce patchwork crée une combinatoire fictionnelle où rien n’est réel… Alors que tout est vrai ! Suscitant l’indécision entre fiction et réalité, Dantès accède à la légende. Pourquoi rompre le charme ? 

Plus de 150 ans après la parution du roman, les découvertes concernant Gaspard-Antoine Pastorel lèvent partiellement le voile sur les origines du Comte. Mais c’est à Alexandre Dumas et à son génie qu’appartient le destin hors-norme d’une histoire ayant traversé les siècles… Et qui reste encore aujourd’hui, l’un des livres les plus lus de la planète.

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