LA FLÛTE de Jean Richepin

Poète aventurier, Jean Richepin publie en 1876 La Chanson des Gueux. Ce recueil fait un tel scandale que son auteur est condamné pour outrage aux bonnes mœurs.

La Flûte, extrait de cette œuvre, n’en est pas moins un joli poème au message fort. Il raconte l’histoire de ce roseau fragile qu’un vagabond transforme en flûte afin de faire rêver les cœurs. Quelle belle métaphore sur la vie ! Elle aussi creuse en chaque homme les entailles de sa gamme

Lorsque nous nous sentons comme un roseau inutile, à nous de souffler dans nos failles pour devenir une flûte mélodieuse… et chanter l’espoir !


Je n’étais qu’une plante inutiles, un roseau.
Aussi je végétais, si frêle, qu’un oiseau
En se posant sur moi pouvait briser ma vie.
Maintenant je suis flûte et l’on me porte envie,
Car un vieux vagabond, voyant que je pleurais,
Un matin en passant m’arracha du marais.
De mon coeur, qu’il vida, fit un tuyau sonore,
Le mit sécher un an, puis, le perçant encore,
Il y fixa la gamme avec huit trous égaux ;
Et depuis, quand sa lèvre aux souffles musicaux
Eveille les chansons au creux de mon silence,
Je tressaille, je vibre, et la note s’élance ;
Le chapelet des sons va s’égrenant dans l’air ;
On dirait le babil d’une source au flot clair ;
Et dans ce flot chantant qu’un vague écho répète
Je sais noyer le coeur de l’homme et de la bête.

Jean Richepin

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