ELIA, GÉNÉALOGIE D’UN FAUSSAIRE : L’empreinte du passé

Retraçant la vie d’un faussaire fictif, la pièce de Jean-Loup Horwitz s’inscrit dans une réflexion profonde sur l’art, la mémoire et l’identité. 


Quand le peintre Alain Laumonier voit débarquer chez lui une Américaine déclarant : “Vous ne vous appelez pas Alain, mais Elia, et j’ai connu votre père”, il la jette dehors. Violence de blessures secrètes, du doute, de questionnements d’identité. Dès lors, le public assiste à l’alternance de deux récits : côté cour, celui d’Alain/Elia, qui égrène les jalons d’une existence chaotique menée entre Paris, New-York et Marseille. Côté jardin, la visiteuse enregistre, à son intention, des révélations lourdes à porter. Quelles sont-elles ? Quelles énigmes déverrouillent-elles ? 

Tour à tour drôle, poignante, attendrissante, Elia généalogie d’un faussaire se fait l’écho d’une légende universelle, qui raisonne dans la poitrine de tout enfant déraciné. Lorsque votre vie se fonde sur un mensonge, des illusions, des suppositions, comment “grandir à sa place” ? Peut-on se construire sans nom, sans date de naissance, sans passé ? 

Entre Histoire, histoire de famille et histoire de l’art, l’auteur et comédien Jean-Loup Horwitz remonte le parcours d’un personnage complexe, marqué par l’abandon. A la façon d’un polar, la pièce aborde ce thème nébuleux de la psychogénéalogie, et de l’impact des traumas sur les générations futures.

Jean-Loup Horwitz (Elia/Alain), Gabrielle Lazure (la visiteuse américaine).

UNE VALSE À TROIS TEMPS

Divisant le plateau en trois espaces spatio-temporels, la mise en scène de Léonard Matton relie habilement les acteurs. Subtile, sa scénographie reprend quelques codes du cinéma pour évoquer la mémoire dans toute sa force, sa fragilité, son ambiguïté. Le jeu des comédiens, d’une grande justesse, sert et met en valeur un texte plein d’intelligence.

Jean-Loup Horwitz incarne un Elia bourré d’aspérités, qu’il nuance d’une profonde sensibilité. Face à cet homme tempête que le destin ballotte, Gabrielle Lazure impose toute la délicatesse de sa retenue. La voix douce, légèrement teintée d’accent anglophone, elle règle à merveille les soupirs, calibre les ruptures, ajuste l’intonation pour rythmer une diction qui tient le public en tension. Au milieu d’eux, Magalie Bros figure le souvenir. Interprétant les femmes ayant compté dans la vie d’Elia, cette virtuose passe d’un personnage à l’autre avec une aisance déconcertante. Malicieuse et spontanée, elle apporte une légèreté bienvenue, le souffle d’air nécessaire entre deux charges émotionnelles.


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PARLER POUR RESPIRER

Le temps laisse une trace. Toujours. Rappelant le poids du passé, ce spectacle évoque aussi le pouvoir de la résilience par l’art, comme celui, libérateur, de la parole. L’essentiel tient dans l’échange, le don, la confiance. S’exprimer, quel que soit le moyen. Rompre les secrets, le cercle vicieux des non-dits… Voilà le vrai moyen d’avancer.

Une pièce étonnante, où l’empire des silences se dispute celui des mots.

Elia, généalogie d’un faussaire
Théâtre Le Petit Chien
, Avignon
Mis en scène de Léonard Matton.
Du 6 au 26 juillet 2025.


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