À travers ses pièces, quatre artistes revisitent le parcours d’un homme devenu quasi légendaire. Une fresque fantasque, qui n’écorche ni la force ni l’intemporalité du théâtre shakespearien.
S.H.A.K.E.S.P.E.A.R.E : Somme Hétéroclite d’Aspect Kaléidoscopique Espérant Synthétiser Partiellement l’Ensemble des Accomplissements Remarquables de l’Eponyme. Drôle d’acronyme qui résume pourtant parfaitement cette production. Un tel mystère entoure Shakespeare… Sur sa vie, “les certitudes ne sont pas bien épaisses ; les conjectures, en revanche, ont rempli des livres.” Alors, soyons fous !
Reliant carrément l’œuvre à la biographie, la compagnie Grand Tigre brosse un portrait aussi libre qu’impertinent du dramaturge élisabéthain. Dans ce méli-mélo docufictionnel, chaque protagoniste prend les voix d’Hamlet, Ophélie, Roméo, Juliette, Richard III, Macbeth, Falstaff and co pour incarner ses joies, comme ses drames.
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UN THÉÂTRE DÉCLOISONNÉ
Pris au jeu, le spectateur s’amuse à repérer les répliques les plus connues : “Mon royaume pour un cheval !”, “Voici l’hiver de notre déplaisir…”. Et bien sûr, l’inévitable “Être ou ne pas être”, égrenée sans cérémonie lors de situations douloureuses. Au passage, il (re)découvre des figures majeures du théâtre anglais, croise une reine Élisabeth Ière déjantée et révise dans les rires ses verbes irréguliers.
Rythmée, la mise en scène d’Elsa Robinne brise le quatrième mur : la langue d’époque s’entremêle ici avec des textes contemporains que Tristan Le Goff – qui campe l’écrivain – adresse au public. Aidés de quelques accessoires, enfilés sous nos yeux, Étienne Luneau et Malvina Morisseau interprètent le reste des personnages. En contrepoint, les interventions musicales de Joseph Robinne amalgament mélodies d’époque et sons jazzy/pop-rock des années 70.
CASSER LES CODES
Par des moyens simples, mais beaucoup d’ingéniosité, la compagnie Grand Tigre retrace avec humour l’histoire de cet artiste fou, complexe, passionné jusqu’à la moelle. Loin d’un théâtre documentaire, elle puise dans le répertoire shakespearien pour façonner une matière vivante, retravaillée façon Dumas. Au centre de la scène, un dispositif mobile, modulable au gré des circonstances, constitué de plusieurs éléments de bois sur roulettes, entoure l’espace du musicien. Les costumes, parfois détournés en dandysme punk, n’appartiennent à aucune époque et font référence au “chic” britannique.
Entre drame et facétie, S.H.A.K.E.S.P.E.A.R.E raconte l’homme derrière l’auteur. Tour à tour admirable et détestable, lâche et courageux, déclenchant les rires d’un côté, les pleurs de l’autre, captant l’ombre autant que la lumière… Voici William Shakespeare comme vous l’aurez rarement vu. Humain.
S.H.A.K.E.S.P.E.A.R.E
Théâtre Le Ranelagh
Mise en scène de Elsa Robinne
Du 25 septembre 2025 au 11 janvier 2026

RÉSUMÉ
Génie pur ou simple prête-nom, merveilleux chef de troupe ou acteur de second rang, fol aventurier ou mari indigne… Shakespeare est plein de mystère. Il est de l’étoffe dont sont faits les rêves et l’appréhender, c’est essayer de saisir une ombre qui, au fil du temps, s’est fondue en air, en air subtil… Cet air, il s’agit de le puiser aux figures de son théâtre et les morceaux familiers de ses pièces – « Être ou ne pas être », «Mon royaume pour un cheval », « L’alouette et le rossignol », « L’hiver de notre déplaisir »… – sortent de la bouche de ses contemporains : sa femme, sa troupe, Marlowe, ses protecteurs, la Reine Elisabeth, le Roi Jacques… pour raconter celui que la postérité appellera « le divin barde » mais qui fut avant tout cet excellent William !
Le monde entier est un théâtre, écrit Shakespeare, et c’est dans son théâtre que trois comédien-nes et un musicien s’élancent pour imaginer son monde, avec pour seul espoir le souffle de vos bienveillants murmures. Sinon, ils auront manqué leur but : vous plaire.
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