RIEN À VOIR : Quand l’absence prend corps

Avec Rien à voir, Matthieu Brillard signe une comédie pleine d’espièglerie où le “rien” devient matière à réflexion. Un jeu de dupes réjouissant, porté par deux comédiennes épatantes.


Vaut-il mieux offrir ou recevoir ? Le silence après du Mozart a-t-il la même saveur que de la “Mozart est là” ? Un message supprimé compte-t-il plus que les messages reçus ? “Je dirais même plus” ou je dirais même moins ? Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Questions toujours plus folles qui surgissent en pagaille sur la scène du Théo Théâtre, où Jade et Eugénie se demandent comment renflouer leur “galèrie”. Jusqu’à ce qu’un agent artistique vienne proposer la dernière œuvre de Cédric Romarin : une non-toile. Autant dire… Nada. Mais plus que rien, c’est une absence. Serait-ce le nouveau Comedian ? Le jackpot tant attendu ? Peut-être bien !

UN SUJET EN ART

Le décor est sobre, presque dépouillé. Peu de costumes ; un blouson ou un accessoire suffisent à intervertir les rôles. Battant le rythme, la mise en scène renforce l’idée du symbole, et implique le public dans l’histoire sans jamais sortir du ludisme.

Excellente, la plume de Matthieu Brillard joue sur cette logique du “quelque chose qui n’en est pas un”, interrogeant le tangible quand il n’y a plus Rien à voir. Ce rapport paradoxal à l’invisible, la pièce en fait un moteur comique autant que philosophique. Convié dans un aparté complice, le spectateur est à la fois témoin et protagoniste de cette cogitation : qu’est-ce que l’absence signifie ? Qu’y a-t-il à voir dans le rien ? Habilement, les réponses se glissent parmi les clins d’œil à Yasmina Reza, un hommage à Quentin Dupieux, ces quelques appels du pied vers Whiplash et Tintin… Au cordeau, cousues de références malicieuses, les répliques forment un savoureux dialogue où l’humour côtoie la culture avec élégance.



DUO COMPLÉMENTAIRE

Un bel équilibre que les actrices mettent en valeur par leur jeu impeccable. Ancrées au sol, très à l’écoute l’une de l’autre, elles se renvoient allègrement la balle, claquant le tempo des réparties façon ping-pong. Victoire Boissont-Ferté incarne une Jade si juste dans son absurdité qu’elle lui enlève toute caricaturalité superflue. Stable, le ton précis et l’œil pétillant, la comédienne nous embarque à plaisir dans les tribulations farfelues de cette galeriste en galère. C’est drôle, fin, subtile. Marylou Salvatori, légère et gouailleuse, rayonne d’une nonchalance rêveuse qui disparaît instantanément lorsqu’elle change de personnage : la voix douce roule soudain les “R”, prenant des accents rauques ; les yeux mutins s’assombrissent, devenant noirs, durs, sardoniques ; alanguie ou rigide, sa posture se défigure… Tout est là. Pour chaque emploi. 

Vous l’aurez compris. Questionnant le vide avec autant d’esprit que d’effronterie, Rien à voir est une comédie audacieuse où le rire s’invite à la réflexion. Un bonbon d’impertinence qui fera sourire votre tête. Comme votre cœur. 

Rien à voir
Théo Théâtre
Texte et mise en scène de Matthieu Brillard
Jusqu’au 21 décembre 2025


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