OTAGES INTIMES : Jeanne Benameur ouvre nos prisons intérieures

Que traverse un otage après sa libération ? Dans Otages Intimes, Jeanne Benameur interroge la solitude du prisonnier revenu de captivité. Une réflexion sur ces lieux de l’âme que l’on préfère ne pas trop remuer, mais pourtant aussi aliénants que les plus solides des chaînes. S’aventurant au cœur de l’intime, ce récit ouvre la voie de la rédemption. Tout en délicatesse.


S’informer développe le regard critique, le discernement, la connaissance et la compréhension du monde dans lequel nous vivons. Entraver cette liberté aliène notre intelligence. Raison pour laquelle les systèmes totalitaires pratiquent la censure. Aujourd’hui encore, nombre de journalistes se battent afin d’exposer l’actualité. Et tant pis si cela exige un passage par la case “prison”.

Mais au jeu de la vie, les règles diffèrent du Monopoly. Face à la faim, la soif, la peur, la douleur, l’obscurité, l’esprit focalise sur la survie. Corps, cœur et âme s’allient dans une lutte contre le désespoir, muselant les émotions. Il s’agit d’encaisser jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de lumière, plus d’idéal, plus de repère auquel se raccrocher. 
Quand vient la délivrance, le pire semble passé. Et pourtant… Alors que le corps panse ses plaies, que le cœur traque ses valeurs, l’âme souffre. Soudain submergée par le trop-plein des chocs accumulés, elle ne sait plus où elle en est. 



Otages intimes se penche sur cette dernière épreuve : la reconnexion. Raccorder sa nature, désormais meurtrie, à son univers, ses proches, son quotidien.  
La violence et le danger traumatisent un être humain, au point qu’une dimension s’éveille en lui pour le changer profondément. Si bien que, malgré sa liberté toute neuve, Étienne reste prisonnier, enfermé en lui-même. Il doit intégrer ses blocages, cette voix intérieure, ses réflexes de survivant à sa vie d’homme libre. “Parce qu’elle est bien là, la différence entre corps et chair. Les corps peuvent bien retourner à la liberté. La chair¹, elle, qui la délivre ? Il n’y a que la parole pour ça.”

Écouter à 56:23. Florence Aubenas y raconte cette impérieuse nécessité de survie pendant la captivité, mais surtout comment, à la sortie, la conscience se réveille et ressasse ce que cette nécessité vous a poussé à faire pour survivre.

UNE SEULE GEÔLE : LA PEUR

Parler, voilà tout ce que demande Irène, sa mère. Qu’il lui raconte le cauchemar, l’effroi, le chagrin… Elle aussi se retrouve otage, impuissante à soulager son fils. 
Autour d’eux gravitent d’autres protagonistes, également captifs de leurs terreurs : Jofranka, l’enfant abandonnée, devenue avocate des femmes persécutées. Enzo, l’ami musicien à la langue immobile. Chacun d’eux supporte sa croix, sa cage en somme. 



Avec tact, Jeanne Benameur pose les mots sur cette souffrance invisible qu’est le traumatisme. Face à Enzo ou Irène, ancrés au territoire, stables et constants, s’opposent Étienne et Jofranka. Séquestrés dans leur monde égoïste, électrons libres camés à l’adrénaline, ces deux-là exigent d’avantage : la rédemption
L’auteure explore ici le thème de l’intimité, habille la solitude du reclus après sa libération. Sans fioritures, entre grâce et apaisement. Tissant patiemment la trame fragile du retour à la vie, elle s’imprègne de ses personnages, ressent leur douleur extrême, l’attente, le vide. 
Les questions fusent : peut-on reprendre son existence comme si de rien n’était ? Si l’on a connu la peur et la barbarie, faut-il malgré tout créer la paix, la douceur, la beauté ? Est-ce seulement envisageable ? 

Réponse : OUI. Devant l’amour d’une mère, d’un frère, d’une fiancée ou même d’un ami, rien n’est impossible. Tant qu’il peut compter sur les siens, Étienne garde le bonheur à sa portée. Et aux horreurs du passé, la chance d’“inventer le visage neuf des jours neufs.”

¹La nature humaine, les sens, les instincts.


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4 commentaires Ajouter un commentaire

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