DOLORES : Danser le souvenir

Inspirée de faits réels, Dolores retrace le parcours hors du commun de Sylvin Rubinstein, danseur devenu résistant travesti. Portée par une mise en scène signée Virginie Lemoine, la pièce est un hommage à la résilience, et au pouvoir du théâtre comme vecteur de mémoire. 


C’est une vendetta à la Tarantino. Une affaire aux rebondissements trop romanesques pour être vraie. Et pourtant… Dolores tient plus de la biographie que de la fiction. Danseur brillant, puis héros clandestin, Sylvin Rubinstein a ensuite mené sa vie sans bruit, ne se confiant qu’aux derniers moments. Merveilleux silence à travers lequel s’exprime toute la force du souvenir ; celui de Maria, sa sœur disparue. Son alter ego

Découvrant par hasard le destin extraordinaire des jumeaux Rubinstein, Stéphane Laporte en tire une pièce captivante où, sans pathos, sa plume danse avec le drame. 

QUAND LA SCÈNE EMBRASE L’HISTOIRE

Le rideau se lève sur un bar de Varsovie. Accoudé au comptoir, le vieux Sylvin tient “la nostalgie bavarde.” À l’égal du barman, qui lui sert verre après verre, le public l’écoute distraitement. Il faut bien planter le décor… Mais progressivement, le déclic s’applique. Presque inconsciemment, le plateau prend chair, et le conte s’incarne. Passés les premiers succès au cabaret, c’est une plongée totale dans la Pologne des années 40, les dangers du ghetto, la résistance… jusqu’à la folie meurtrière.

Ingénieuse et subtile, la mise en scène de Virginie Lemoine souligne toute la puissance de cette épopée. Une table, deux tabourets, quelques voilages suffisent à créer une multitude de lieux selon les époques. Ici simple complément, la vidéo de Mehdi Izza dialogue avec l’espace, intensifiant les émotions. Une sobriété qui laisse aux artistes la place d’étendre leurs voix, leurs corps, leur musique. Entre passé et présent, des numéros “flash” de flamenco ponctuent les temps forts, donnant du rythme à l’intrigue. Comme des éclats de mémoire vive, ils soutiennent l’intensité dramatique



UNE GRANDE JUSTESSE DE JEU

Mais cela ne serait rien sans l’immense qualité d’interprétation des comédiens. Mains tremblantes, voix déraillante, silhouette voûtée, Olivier Sitruk se redresse soudain, l’œil alerte et la posture agile. Transformation sidérante, tant dans sa physionomie que dans la psychologie du résistant Sylvin, qu’il traduit fidèlement à chaque étape de son évolution. François Feroleto, quant à lui, interprète avec beaucoup de justesse “Papa Kurt”, le parrain allemand. Tout en délicatesse, ce duo d’acteurs parvient à figurer la tension romantique qui s’installe entre l’agent double et le danseur juif, provoquant une empathie immédiate pour ces deux hommes. 

Hommage vibrant aux héros malgré eux, Dolores est une ode à la mémoire, au courage, à la résilience. Par cette fresque flamboyante, où l’art devient cri d’insurrection, le théâtre se fait dépositaire d’une histoire qui continuais, continue et continuera encore de nous parler.

Dolores
Théâtre Actuel La Bruyère
Mise en scène de Valérie Lemoine
Jusqu’au 31 décembre 2025


En savoir plus sur Nom d'une plume !

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Avatar de tremendous5e253fccf1 tremendous5e253fccf1 dit :

    Très beau commentaire !

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire