LES MAUVAIS BERGERS : Aux armes, ouvriers !

Au Théâtre Montmartre Galabru, Olivier Charruau revisite le drame social d’Octave Mirbeau, proposant une adaptation où le fracas des anciennes luttes ouvrières est censé résonner avec nos fractures contemporaines. 


Plus d’un siècle après sa création, Les Mauvais Bergers demeure un cri contre la misère et les inégalités sociales. Plaçant cette pièce dans un cadre atemporel, Olivier Charruau choisit d’en faire une lecture politique, sorte d’écho à notre société actuelle. Tensions économiques, déshumanisation des travailleurs, dérives du capitalisme… Le parallèle fonctionne, même si la mise en scène tombe parfois dans une forme de didactisme.

Le spectacle se veut militant, parfois trop. Sous le motif de provoquer le spectateur, il le prend souvent par la main, multipliant les blagues faciles ; un bourgeois s’exclamant « pognon de dingue », arrache certes un sourire, mais interroge sur sa pertinence. À quoi bon forcer le trait quand le texte de Mirbeau se suffit à lui-même ?



UNE SCÉNOGRAPHIE AU SERVICE DU TEXTE

Quelques éléments – table, chaises, chevalet – composent un espace modulable où l’action se reconfigure sans cesse. L’usine, suggérée par une verrière sur laquelle se dessinent des bâtiments industriels, évoque à la fois l’enfermement et la lutte. L’ambiance sonore, rythmée par le grondement mécanique des machines, entretient une tension continue, presque physique. 

Dans ce décor simple, les jeux d’ombre et de lumière soulignent la confrontation des deux univers : clair-obscur du pouvoir et de la révolte, de l’aisance et de l’indigence, de l’argent et de la cendre. 

Entre les tableaux, des intermèdes musicaux, chants de résistance issus du répertoire français ou étranger, offrent une respiration bienvenue. Ils apportent une douceur inattendue à ce drame social

ENTRE SURJEU ET JUSTESSE

Mais la distribution, disparate, donne une impression globale d’amateurisme. , toute en dignité sobre, fait une magnifique mère Cathiard. Sa maîtrise des silences et son regard expressif confèrent au personnage une humanité poignante. Dans le rôle du fils bourgeois déchiré entre son milieu et ses valeurs personnelles, Nicolas Lefebvre s’en sort honorablement. Sa balance retenue/explosion colore de belles nuances son Robert Hargand. Assumant le double emploi du père ouvrier et du patron capitaliste, Gil Seravel jongle de l’un à l’autre sans perdre la technique. Changeant de peau comme de chemise, il sait comment moduler le ton pour incarner ces deux pôles d’un même système.

En revanche, Sandrine Carlosse, à la fois Madeleine (la « fille du peuple ») et Geneviève (la « fille de riche »), peine à trouver l’ancrage nécessaire. Son jeu manque de conviction, ce qui affaiblit la tension dramatique. Preuve que l’adage “jouer, c’est mentir avec sincérité” reste une règle d’or. Arthur Liné, quant à lui, met tant d’emphase dans sa diction – et sa posture parfois – qu’il perd en profondeur. Déjà imposant par sa carrure, ce pathos le dessert. L’acteur pourrait également utiliser davantage son regard, et mettre un peu plus la colère de Jean Roule dans ses yeux qu’à travers ses poings serrés.

Malgré ses fragilités, cette version des Mauvais Bergers s’impose comme une proposition honnête et courageuse. Olivier Charruau parvient à faire vibrer les mots de Mirbeau dans notre présent, rendant une voix aux travailleurs désabusés.

Les Mauvais Bergers
Théâtre Montmartre Galabru
Mise en scène de Olivier Charruau
Jusqu’au 18 novembre 2025


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